La politique économique de Donald Trump, notamment durant son second mandat débutant en 2025, s'inscrit dans une logique de guerre commerciale visant à redresser l'économie américaine face à des défis structurels et géopolitiques. À travers des droits de douane élevés, une stratégie de négociation agressive et une ciblage particulier de la Chine, Trump cherche à répondre à la désindustrialisation, au déficit commercial chronique et à l'affirmation de rivaux économiques. Cette analyse explore les raisons sous-jacentes de cette guerre économique, ses mécanismes et ses limites.

1. Réponse à la désindustrialisation et au déficit commercial

La désindustrialisation des États-Unis, amorcée dès les années 1970, a entraîné une perte massive d'emplois manufacturiers, passant de 19,5 millions en 1979 à environ 12,5 millions en 2020 (source : Bureau of Labor Statistics). Ce déclin est attribué à la mondialisation, aux accords de libre-échange (comme l'ALENA) et à la concurrence des pays à bas coûts, notamment la Chine. Parallèlement, le déficit commercial américain a atteint 971 milliards de dollars en 2022, dont 419 milliards avec la Chine (source : U.S. Census Bureau).

Trump justifie sa guerre économique comme une tentative de réindustrialisation et de réduction de ce déficit. Les droits de douane, notamment ceux imposés dès 2018 (25 % sur l'acier, 10 % sur l'aluminium) et maintenus en 2025 à 10 % sur toutes les importations, visent à protéger les industries nationales et à encourager la relocalisation. Cette stratégie s'appuie sur l'idée que des barrières tarifaires rendront les produits importés moins compétitifs, stimulant ainsi la production locale.

2. Une stratégie de négociation agressive : la « théorie du fou »

Trump adopte une approche de négociation basée sur le rapport de force, souvent qualifiée de « théorie du fou » (madman theory), où il projette une image imprévisible pour contraindre ses adversaires à faire des concessions. Cette tactique, inspirée de Richard Nixon, se manifeste par des annonces soudaines de sanctions, des menaces de surtaxes et des pauses stratégiques, comme la suspension de 90 jours des surtaxes spécifiques en 2025.

Cette stratégie a permis de renégocier des accords comme l'ALENA (remplacé par l'USMCA en 2020) et d'obtenir des engagements de la Chine pour augmenter ses achats de produits agricoles américains. Cependant, elle a également provoqué des rétorsions internationales, notamment de l'Union européenne et de la Chine, qui ont imposé des contre-tarifs sur des produits américains comme le soja et le whisky, affectant les exportateurs américains.

3. Ciblage de la Chine dans un affrontement géopolitique

La Chine, en tant que principal rival économique et géopolitique des États-Unis, est la cible centrale de la guerre économique de Trump. Avec une part croissante dans le commerce mondial (15 % en 2023 contre 10 % en 2001, source : Banque mondiale) et des avancées technologiques (notamment dans la 5G et l'IA), la Chine menace la suprématie économique américaine. Les droits de douane visent à freiner son expansion, à protéger les secteurs stratégiques (semi-conducteurs, télécommunications) et à réduire la dépendance des chaînes d'approvisionnement américaines.

Cette confrontation s'inscrit dans une logique de « découplage » économique, où les États-Unis cherchent à limiter leur interdépendance avec la Chine. Les sanctions contre des entreprises chinoises comme Huawei et les restrictions sur les exportations de technologies sensibles illustrent cette stratégie. Toutefois, ce découplage entraîne des coûts élevés pour les entreprises américaines et les consommateurs, qui subissent une hausse des prix due aux tarifs.

4. Avantage compétitif par la baisse du dollar

La dépréciation du dollar américain, observée périodiquement depuis 2020, joue un rôle clé dans la compétitivité des exportations américaines. Un dollar plus faible rend les produits américains moins chers à l'étranger, stimulant les ventes internationales. Selon le Fonds monétaire international, une dépréciation de 10 % du dollar peut augmenter les exportations américaines de 0,5 à 1 % du PIB.

Trump a implicitement encouragé cette baisse en critiquant la politique monétaire de la Réserve fédérale, qu'il juge trop restrictive. Cette stratégie soutient les objectifs de réindustrialisation en rendant les produits manufacturés américains plus attractifs, mais elle risque d'accroître l'inflation importée, affectant le pouvoir d'achat des ménages.

5. Obstacles structurels et sociaux à la réindustrialisation

Malgré ces efforts, la réindustrialisation se heurte à des obstacles majeurs. Structurellement, les coûts de production aux États-Unis (salaires, énergie, réglementation) restent élevés par rapport à ceux des pays émergents. Socialement, la pénurie de main-d'œuvre qualifiée dans le secteur manufacturier, estimée à 2,1 millions d'emplois non pourvus d'ici 2030 (source : Deloitte), limite la capacité de relocalisation. De plus, les droits de douane augmentent les coûts pour les industries dépendantes des importations intermédiaires, comme l'automobile.

Enfin, les bénéfices de la guerre commerciale sont inégaux. Si certains secteurs, comme l'acier, ont vu une reprise modeste, les agriculteurs et les consommateurs ont souffert des rétorsions et de l'inflation. Une étude du National Bureau of Economic Research (2020) estime que les tarifs de 2018 ont coûté 16 milliards de dollars par an aux consommateurs américains.

La guerre économique de Trump s'explique par une volonté de contrer la désindustrialisation, de réduire le déficit commercial et de contenir la montée en puissance de la Chine. Soutenue par des droits de douane, une stratégie de négociation agressive et une dépréciation du dollar, cette politique vise à restaurer la compétitivité américaine. Cependant, les obstacles structurels, les coûts pour les consommateurs et les rétorsions internationales limitent son efficacité. Si la guerre commerciale reflète des préoccupations légitimes face à la mondialisation, ses résultats restent incertains, oscillant entre protectionnisme économique et tensions géopolitiques accrues.