Sous l'administration actuelle de Donald Trump (à partir de 2025), le renseignement économique est un pilier central de la stratégie de "guerre économique" des États-Unis. Son objectif est clair : renforcer la compétitivité américaine, protéger les intérêts nationaux et contrer les rivaux géopolitiques, notamment la Chine. Ce dispositif sophistiqué est le fruit de décennies d'évolution des services de renseignement américains, intégrant agences fédérales, partenariats public-privé et technologies avancées.

Contexte et objectifs stratégiques

Le renseignement économique, défini comme la collecte et l'analyse d'informations stratégiques pour soutenir les acteurs économiques, est au cœur de la politique "America First". Ses principales ambitions incluent :

  • Protection des industries nationales : Il s'agit de réduire la dépendance aux chaînes d'approvisionnement étrangères, particulièrement chinoises, et de contrer la désindustrialisation, qui a vu la perte de 5 millions d'emplois manufacturiers entre 2000 et 2015.
  • Contention des rivaux géopolitiques : La Chine est ciblée comme une menace économique et technologique, via des sanctions et des restrictions (ex.1 Huawei, TikTok).
  • Soutien à la compétitivité : L'administration vise à renforcer les exportations américaines par des politiques protectionnistes, comme les droits de douane de 10 % sur toutes les importations à partir de 2025 et une dépréciation stratégique du dollar.

Ce cadre s'inscrit dans une logique de "sécurité économique" où les services de renseignement surveillent les marchés mondiaux pour protéger les intérêts américains, parfois au détriment d'entreprises étrangères, y compris européennes.

Les piliers institutionnels et partenariats

Le dispositif de renseignement économique s'appuie sur une coordination complexe entre :

La Communauté du Renseignement (IC) :

Composée de 18 agences (CIA, NSA, FBI, Department of Homeland Security, etc.), l'IC a réorienté ses priorités vers le renseignement économique depuis la fin de la Guerre froide.

    • La CIA, bien que sous pression pour s'aligner sur les priorités de Trump et confrontée à des coupes budgétaires (1200 postes supprimés en 2025), continue de collecter des données sur les concurrents étrangers.
    • La NSA, grâce à ses capacités de cyberespionnage révélées par Edward Snowden en 2013, surveille les communications économiques mondiales, ciblant notamment des multinationales européennes et asiatiques.
    • Le Director of National Intelligence (DNI), actuellement dirigé par Tulsi Gabbard, est chargé de coordonner l'IC. Cependant, des tensions peuvent émerger lorsque Trump contredit publiquement le DNI sur des sujets sensibles.

Institutions économiques et juridiques :

    • Le Committee on Foreign Investment in the United States (CFIUS), dirigé par le Département du Trésor, examine les acquisitions étrangères pour des raisons de sécurité nationale (ex. blocage de l'acquisition d'Unocal par CNOOC en 2005).
    • Le Département du Commerce impose des restrictions sur les exportations technologiques (exemple de l’exportation de semi-conducteurs vers la Chine).
    • Le Département de la Justice utilise l'extraterritorialité du droit américain pour poursuivre les entreprises étrangères violant les sanctions américaines (exemple : affaire ALSTOM).

Partenariats Public-Privé :

Les États-Unis s'appuient sur des synergies, un modèle formalisé depuis les années 1980. Des firmes privées (exemple des cabinets d'audit comme Deloitte, Ernst & Young) et des cabinets de sécurité privée (Threat Pattern) collectent des informations stratégiques et fournissent du cyber-renseignement pour le compte du gouvernement.

Méthodes et outils de collecte

Le dispositif américain utilise une combinaison de :

  • Open Source Intelligence (OSINT) : Exploitation de données publiques (rapports d'entreprises, médias, bases de données). Des cabinets d'audit fournissent des informations financières et techniques sur les concurrents étrangers.
  • Cyberespionnage : Grace à ses moyens extraordinaires, la NSA intercepte les communications électroniques mondiales, y compris celles des entreprises. Ces pratiques se sont intensifiées sous Trump pour cibler les chaînes d'approvisionnement chinoises.
  • Renseignement humain (HUMINT) et réseaux d'influence : Diplomates et attachés commerciaux collectent des informations via des réseaux locaux, avec un rôle de "veilleurs" des États fédérés. Le processus suit des étapes clés : collecte légale (Discovery Phase), analyse (Development Phase), diffusion aux décideurs (Delivery Phase) et formation (Disengagement Phase).

Politisation et tensions sous l'administration trump

L'administration Trump a cherché à aligner l'IC sur son agenda, entraînant une politisation marquée :

  • Nominations controversées : La nomination de loyalistes comme Tulsi Gabbard à la tête du DNI, malgré un manque d'expérience, reflète une volonté de contrôle. Des incidents, comme la tentative de modifier un rapport sur le gang Tren de Aragua, illustrent cette politisation.
  • Méfiance envers l'IC : Trump a souvent critiqué les agences, les accusant d'appartenir à un "État profond". Cela a conduit à des purges (exemples des licenciements à la NSA et à la CIA en 2025) et à une centralisation des décisions.
  • Impact sur la coopération internationale : La méfiance de Trump envers les alliés et son alignement occasionnel sur des positions russes (exemple du partage d'informations sensibles avec Moscou en 2017) ont fragilisé les échanges de renseignement avec des partenaires comme la France. 

Limites et critiques du dispositif

Malgré sa puissance, le dispositif de renseignement économique sous Trump présente plusieurs faiblesses :

  • Coût pour les alliés : Le ciblage d'entreprises européennes (ex. amendes contre des banques) et les droits de douane élevés (jusqu'à 200 % sur certains produits européens) ont tendu les relations transatlantiques, limitant la coopération.
  • Risques de politisation : La manipulation des rapports pour servir un agenda politique nuit à la crédibilité de l'Intelligence Community (IC).
  • Obstacles structurels : La dépendance aux technologies étrangères comme les semi-conducteurs et les coûts de production élevés limitent l'efficacité de la réindustrialisation soutenue par le renseignement économique.
  • Impact économique : Les tarifs douaniers augmentent les coûts pour les consommateurs américains, estimés à 16 milliards de dollars par an en 2018.

Le renseignement économique sous l'administration Trump s'appuie sur un système puissant pour servir des objectifs de protectionnisme, de compétitivité et de contention de la Chine.

Cependant, sa politisation, les tensions avec les alliés et les limites structurelles de l'économie américaine freinent son efficacité. Si ce dispositif reflète une ambition de domination économique, il risque d'accentuer l'isolationnisme des États-Unis et de compromettre la coopération internationale, tout en imposant des coûts domestiques significatifs.